Il a plu hier soir…

Et alors, vous me direz…

Ben on est que le 20 mai, je vous réponds.

C’est trop tôt.

Ca faisait 2-3 soir que la lumière au coucher de soleil était incroyable. Une lumière jaune-orange, teinté de rose, comme les prémices d’un gros orage d’été. Et puis il y avait ce vent chaud, ces grosses bourrasques de vent qui soulèvent les cheveux, les vêtements amples et qui picotent le visage. Et puis il fait chaud, très chaud et très lourd. Celui qui n’a jamais connu ce temps humide et chaud ne peut pas s’imaginer ce que c’est. Le moindre geste ou moindre effort résulte en une coulée de sueur interminable. On aime, on adore, on vénère son ventilateur. Et puis dimanche après midi sur la plage, les vagues étaient plus grosses que d’habitude. La mer commence à se mettre en colère… Le vent tourne et s’intensifie.

Elle arrive…

La mousson arrive…

C’est un vrai personnage ici, elle est attendue, crainte, espérée... Les gens scrutent le ciel, tous les jours de plus en plus chargé et de plus en plus gris. Les nuages s’accumulent et on attend la première pluie avec impatience pour apporter un tant soit peu de fraîcheur.

Mais la première pluie (ok, ok, il a pleuvioté) est arrivée hier, avec presque 3 semaines d’avance sur le calendrier officiel.

C’est pas bon. C’est pas bon du tout.

Dans mon rickshaw, coincé dans les embouteillages (as usual), les gouttes tombaient sur le siège recouvert de plastique et petit à petit, le macadam s’est trempé et les odeurs de terre et poussière mouillées ont dominé celle des pots d’échappement des bus. Après 9 mois sans pluie, on oublie ce genre d’odeur et c’est presque avec plaisir qu’on la retrouve. Mon rickshawallah râlait parce qu’il n’avait pas encore mis les essuie-glaces (manuels) sur son pare-brise et ne voyait pas très bien.

Le trafic bloqué m’a laissé tout le loisir de me remémorer les bribes de conversations entendues ces dernières semaines et les différents articles lus dans les journaux.

La mousson cette année, selon les dires, devrait être exceptionnelle. Un truc de fou, des pluies exceptionnelles (what you saw last year was nothing, it hardly rained last year… ahhh ouais…?) Pourquoi, comment, je ne sais pas, je ne comprends pas trop le mécanisme scientifique qui se cache derrière tout ça. Cela étant dit, je comprends quand même que la BMC de Mumbai (la DDE locale) est en retard sur tous les travaux de préparation à la mousson. Rien n’est terminé, toutes les rues sont en chantier, il y a des trous et des tranchées partout (et la première pluie arrivant 3 semaines plus tôt que prévu…). Je comprends aussi que les gens commencent sérieusement à psychoter grave sur la date du 24 juillet. J’explique. La semaine du 24 juillet, Mumbai connaîtra sa marée du siècle. Les coefficients n’ont jamais été aussi hauts depuis 100 ans, le pic arrivant ce fameux 24 juillet à 14h (en plein après-midi, en plein rush…). Il suffit que ces jours là il pleuve intensément pour que Mumbai se retrouve littéralement sous l’eau. Le cocktail voirie en mauvais état + forte marée empêchant l’eau de s’écouler vers la mer + pluies de mousson intenses peut s’avérer catastrophique. Les Mumbaikars sont en plus extrêmement sensibles à ces dates, car c’est effectivement le 26 juillet 2005 que des centaines de personnes ont trouvé la mort dans les pires inondations que la ville ait connu.

Etant de nature foncièrement positive, je ne vais pas me laisser influencer par ces spéculations alarmistes, mais je vais quand même faire gaffe et scruter le ciel avec attention. Et puis faire des réserves de bouffes, on ne sait jamais… Et puis m’acheter une paire de bottes en caoutchouc avec des fleu-fleurs en France dans 3 semaines (youhou ! Oui, parce que figurez-vous que la botte en caoutchouc est un objet introuvable à Bombay – sauf si vous chaussez du 27 et voulez porter des bottes Dora l’Exploratrice).

Mais bon, si vous n’avez plus de nouvelles de moi après le 24/07, appelez les pompiers, ça voudra dire que je me suis noyée dans mes bottes!