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4 juin 2008

Hier soir, il a plu…

La première pluie que je vois à Bombay depuis le 14 décembre (et là, je note que le 14 juin, ça fera exactement 6 mois que je serai arrivée à Bombay…).

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Je ne m’en étais pas aperçu et en sortant de chez moi pour aller à l’anniversaire d’une copine, je me suis retrouvée sous une fine averse, en petites chaussures et en robe… Ben vlà! J’ai même fait un temps d’arrêt à la sortie de mon immeuble, la tête en arrière, les bras en avant et les paumes ouvertes vers le ciel tellement j’étais surprise. Evidement, ça a bien fait rire mes watchmen… Et il y a de quoi, je le conçois!

C’était juste une averse, une petite demi-heure, mais elle a contribué à alimenter toutes les conversations de la soirée. Tu crois que la mousson arrive? Que demain il va encore pleuvoir? Toi aussi tu étais dehors quand il a plu? Mais à la télé ils ont dit que la mousson était encore au Kérala… Ce n’est donc pas ça. C’est juste une répétition, un signe avant-coureur… La mousson devrait en principe arriver le 10, date officielle… Après on est en Inde, tout est relatif…!

Mais cette petite douche a eu un drôle d’effet sur moi. Comme si elle m’avait nettoyé le voile protecteur que je m’étais installé devant les yeux.

En remontant chez moi en rickshaw, comme d’habitude, je longe des kilomètres et des kilomètres de terre-pleins qui séparent les deux voies. Et comme d’habitude, il y a des centaines de gens et de familles qui dorment sur ces terre-pleins,  au milieu du trafic, de la pollution, du bruit… Je les vois tous les jours, ils font partie de mon quotidien. Ils sont là. Ne me demandez pas pourquoi ils dorment en plein milieu de la route, je n’ai pas de réponse, et moi-même je ne le comprends pas. Ils pourraient se retirer dans un endroit plus isolé, mais ils ne le font pas… Aucune idée… Peut-être pour une question de sécurité… Personne ne peut-on rien leur faire pendant leur sommeil s’ils sont à la vue de tous, devant des dizaines d’autres personnes… c’est peut-être ça… Je n’en sais rien.

Donc, ces personnes sont devenues pour moi mon quotidien. A force, je ne dirais pas que je ne les vois plus, mais je m’efforce de faire comme si c’était normal. Elles sont devenus des ombres, des formes reconnaissables entre mille que je tente de déshumaniser au possible (c’est horrible ce que je viens d’écrire) pour justement moi, garder la tête froide. C’est comme ça, c’est la misère de Bombay à ciel ouvert et je ne peux rien y faire.

Et hier soir, en longeant ces kilomètres de gens qui vont de Juhu jusqu’à Versova, je me suis demandée où ces gens pouvaient bien aller lorsqu’il va vraiment commencer à pleuvoir. S’ils ne s’abritent pas en ce moment, c’est parce qu’ils n’ont nulle part où aller. Mais dans deux semaines, quand il va commencer à pleuvoir pour les 3 prochains mois… Que va-t-il leur arriver? Tout à coup, j’ai eu un grand sentiment de vide, de désespoir, d’impuissance, une boule dans la gorge… Tous mes petits problèmes et ceux de mes amis me semblent tout à coup bien dérisoires. Nous sommes vraiment de petits enfants gâtés quand on y pense, et surtout dans cette ville où tout nous est presque permis. Ce n’est pas parce que la mousson arrive que soudainement je prends conscience de l’existence de ces gens, c’est que tout à coup, je réalise l’ampleur et la démesure du problème.

C’est un abysse sans fond, c’est vertigineux, il n’y a pas de solution. Il faut malheureusement faire avec.

Aujourd’hui, au bureau, on a scruté le ciel. Il commence à se charger. Les nuages arrivent au loin. Ils sont gris, mais pas trop encore… Ca va changer, ça va changer.

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