C’est fini… ?

Ou pas… ?

Presque 48 h après le début des attaques, alors que les hôtels et Nariman House pris d’assaut ne sont pas encore libérés… Quelques pensées en vrac et sans aucune volonté de vouloir donner un fil conducteur.

Tout d’abord, je suis fatiguée. Entre la nuit de mercredi à jeudi passée au téléphone et devant mon poste de télé jusqu’à 4h du matin à HALLUCINER devant d’écran et crier ma rage et mon désespoir à mes amis (le Taj en flamme, le TAJ BORDEL, le Taj !!!! et le Leopooold…), et la journée entière de jeudi au téléphone, à suivre les infos, à répondre aux emails, au message sur mon blog, à envoyer des textos, à répondre au message sur mon facebook… (merci tout le monde pour vos messages et votre soutien, ça va droit au cœur, merci, merci beaucoup). Aujourd’hui, bureau, kam kam kam, en retard d’une journée sur le planning (come ooooooonnnnn, the films are on air this weekend !!!). J’en peux plus. Fatiguée, épuisée, lessivée, sur les rotules.

Pour rassurer tout le monde, je vais bien, j’habite très très loin du canardage que vous avez pu voir à la télé. Plus d’1h30 de trajet en train ou en voiture. En gros, et là on va parler local Blogi et rassurer tous les gens qui ont paniqué hier, c’est comme si tu es à Luxembourg et que tu m’appelles parce qu’il y a une bombe à Metz ou Nancy, ou bien que tu es à Saint Savinien et que tu flippes pour moi parce qu’il y a une bombe à Bordeaux. C’est loooooin, très loin ! Certes, c’est dans la même ville, donc vu de France, il est difficile de se faire une idée. Mais géographiquement, je ne suis pas touchée dans ma vie quotidienne (jusqu’à présent). Il faut juste que je sois extrêmement prudente, que j’évite tous les déplacements inutiles vers des endroits potentiellement dangereux. Ce que je fais évidemment, je ne suis pas stupide non plus. Mais life goes on, la vie continue et je refuse de rester cloitrée chez moi à me faire livrer des pizzas pendant 2 semaines. Nous avons déjà tous repris un semblant de vie normale en retournant travailler et en allant fêter l’anniversaire d’une collègue ce soir. Certes, la grosse fête avec un max de monde a été annulée, mais on a quand même voulu fêter ça en petit comité.

La façon de procéder les terroristes nous a tous ulcéré. Petit à petit, les histoires de gens qui étaient sur place commencent à nous parvenir. En gros, partout la même histoire. Les terroristes arrivent dans le restaurant ou l’hôtel, tirent à la kalachnikov (!!!) dans le lot et balancent quelques grenades (!!! !!!) … What to do, hein? Un collègue de la belle Cybele était au Taj. Quand les terroristes ont tiré dans le restaurant, il a eu le temps de se jeter derrière un pilier. Mais pas le serveur qui le servait à ce moment là et qui est tombé à ses pieds. Ca aurait pu être moi, Cybele, mes collègues ou un de mes amis. Je pense très fort à tous ces gens qui n’avaient rien demandé et qui se sont retrouvés devant une des pires situations qui soit.

Les images du Taj en feu et du Café Leopold sans dessus-dessous et plein de sang m’ont bouleversée. J’en avais la gorgé nouée, la nausée. Le Taj, le symbole de Bombay a été détruit en moins de 48h. Le Leopold, je n’en parle même pas. Ce n’est certes pas mon café préféré en ville, mais en tant qu’occidentale à Bombay, c’est un de mes points de chute à Colaba, un des endroits que je fais découvrir à mes amis de passage. Un endroit, du coup, privilégié et cible pour des fanatiques. Je me faisais une joie d’y aller avec ma petite sœur qui arrive dans 2 semaines.

Je ne parle même pas des images de l’armée, de la valse des hélicos près de chez moi qui surveillaient la côte, de ceux qui larguaient des forces spéciales sur les lieux des prises d’otages, du bruit des coups de feu et des explosions à la télé… Comme un très très très mauvais film de guerre sur fond de décors extrêmement familiers…

Maintenant quoi ??

Faut-il avoir peur des représailles entre hindous et musulmans ? C’est une des premières pensées qui nous a effleurés dès mercredi soir. A 3h du matin, avant même les premières revendications des terroristes, le scénario était tellement évident et flagrant que malheureusement, nous savions que des fanatiques musulmans étaient derrière tout cela. (mais sommes-nous conditionnes à force pour penser de telles  choses… ?). L’équilibre précaire entre les communautés à Bombay étant tel qu’il est, ce qui nous fait le plus peur, à mes amis et moi, ce sont les émeutes et les représailles improvisées. On ne s’en rend pas trop compte tous les jours, mais il suffit en fait d’une étincelle pour que la ville s’embrase et soit mise à feu et à sang. C’est presque trop facile…

En revanche, je n’ai pas peur de continuer ma vie d’avant. Refus de rester cloitrée chez moi, de ne plus sortir, de justement VIVRE Bombay ! Cette ville, je l’aime (comme je la déteste tout autant parfois) comme elle est et je ne veux pas changer mes habitudes. La prudence s’impose pour les semaines à venir, mais je veux revenir à ma vie d’avant. (Sinon, mon appart risque de devenir  trop propre, et là ça n’ira plus ! Et oui, hé, un jour de repos imposé avec interdiction de sortir = vrai gros ménage à fond, celui qu’on ne fait pas le weekend – et non, je n’ai pas de femme de ménage, je n’en veux pas, c’est plus de travail de rester derrière elle que de faire le travail moi-même). Bref, je suis ici, j’aime cet endroit et je veux rester.  Bombay et l’Inde en général, est l’endroit des grandes opportunités et des grands investissements en ce moment (d’un point de vue économique, business, entrepreneurial…). Il y a tant à faire ici qu’il serait dommage de tout laisser tomber pour une poignée de fanatiques. (et puis pour faire quoi de toute façon… ?)

Donc je m’accroche ! Je flippe lors des fausses alertes et les rumeurs qui circulent comme  aujourd’hui. Mon sang s’est en effet glacé lorsqu’on m’a dit qu’il y avait encore eu des bombes à Victoria et Churchgate stations et une fusillade à Bandra. Mais ce n’étaient que des rumeurs qui circulent par SMS et répandent encore plus de panique dans la ville… Nous avons eu le bon réflexe de tout de suite vérifier l’information sur le net avant de paniquer et remballer nos clics et nos clacs comme nos collègues indiens. Always check the information before taking action (facile à dire, je le reconnais).

Alors voilà. En gros, ça va. Le week-end me fera du bien. Au programme, dodo – parce que j’en ai bien besoin, rendez-vous avec quelques amis qui habitent un peu loin et que je n’ai pas vu depuis le début des attaques, et rien de bien particulier, si ce n’est une volonté de petit à petit remettre en marche la machine de la routine.

Merci encore à vous tous qui m’avez apporté votre soutien ces deux derniers jours !

La vie continue, et Blogs in Boomboombay aussi !

Comments

[céline]

Merci, merci et encore merci Emilie de nous faire partager tes émotions ! Ton témoignage est de loin le plus intéressant que j'ai pu lire sur la blogosphère !

A bientôt avec des billets plus légers ! Les bombaysers sont forts ! Vous êtes forts ! On pense à vous et life goes on...